Dans les Bois, Paul Verlaine
Poèmes

Dans les Bois

par Paul Verlaine

Paul Verlaine

D'autres, — des innocents ou bien des lymphatiques,
Ne trouvent dans les bois que charmes langoureux,
Souffles frais et parfums tièdes.
Ils sont heureux !
D'autres s'y sentent pris — rêveurs — d'effrois mystiques '.

Ils sont heureux !
Pour moi, nerveux, et qu'un remords

Épouvantable et vague affole sans relâche.

Par les forêts je tremble à la façon d'un lâche

Qui craindrait une embûche ou qui verrait des morts.

Ces grands rameaux jamais apaisés, comme l'onde,
D'où tombe un noir silence avec une ombre encor
Plus noire, tout ce morne et sinistre décor
Me remplit d'une horreur triviale et profonde.

Surtout les soirs d'été : la rougeur du couchant
Se fond dans le gris bleu des brumes qu'elle teinte
D'incendie et de sang ; et l'angélus qui tinte
Au lointain semble un cri plaintif se rapprochant.

Le vent se lève chaud et lourd, un frisson passe
Et repasse, toujours plus fort, dans l'épaisseur
Toujours plus sombre des hauts chênes, obsesseur ,
Et s'éparpille, ainsi qu'un miasme, dans l'espace.

La nuit vient.
Le hibou s'envole.
C'est l'instant
Où l'on songe aux récits des aïeules naïves...
Sous un fourré, là-bas, là-bas, des sources vives
Font un bruit d'assassins postés se concertant.



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top