Je laisse mon Christ à celui qui n’en a pas
Qui ne le vit jamais après sa mort revivre
Ce Christ qui aux noces de Cana ne fut ivre
Que de la folie de pimenter ce repas
Sans savoir qu’il aurait sa trace dans le Livre
Je te partage mon pauvre Christ si tu veux
A défaut d’un lingot d'or et d’une fortune
Dont disposent Vénus et sans doute Neptune
Avec ses épines prises dans ses cheveux
Plantées ici c’est sûr de manière opportune
Cet immense homme-dieu dans tous lieux fut partout
Le long des chemins creux et des cotes sauvages
Au bras des gens de peu soumis aux esclavages
Près du paralytique et l’aveugle et surtout
A donner l’espoir aux amarrés au rivages
Fut-il donc vrai ce corps entre les deux larrons
S’être fait chair avoir renoncé au bon conte
Avoir bu tant de fiel et vomi tant de honte
Avoir eu soif ainsi qu’en été les Cédrons
Qui croira que la Foi folle et seule le dompte
Mon ami choisis sans la matière l’esprit
Que lui désincarné apportait au vieux monde
Riche de pauvreté limpide comme une onde
Qui sous les yeux des cieux glisse sans qu’elle apprit
La joie de s’en aller où le bonheur abonde
Ami je t’offre un peu de Christ et un peu plus
Une rose fleurie une épine-vinette
Un lys un lilas blanc le rire de Ginette
Si jaune qu’il te plut ce jour noir où il plut
Sur une tête en sang pire qu'une binette.