Poèmes

Chevaux de Frise

par Guillaume Apollinaire

Guillaume Apollinaire

Pendant le blanc et nocturne novembre
Alors que les arbres déchiquetés par l'artillerie
Vieillissaient encore sous la neige
Et semblaient à peine des chevaux de frise
Entourés de vagues de fils de fer
Mon cœur renaissait comme un arbre au printemps
Un arbre fruitier sur lequel s'épanouissent
Les fleurs de l'amour

Pendant 1 e blanc et nocturne novembre

Tandis que chantaient épouvantablement les obus

Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient

Leurs mortelles odeurs
Moi je décrivais tous les jours mon amour à
Madeleine
La neige met de pâles fleurs sur les arbres

Et toisonne d'hermine les chevaux de frise
Que l'on voit partout
Abandonnés et sinistres
Chevaux muets
Non chevaux barbes mais barbelés

Et je les anime tout soudain
En troupeau de jolis chevaux pies
Qui vont vers toi comme de blanches vagues
Sur la
Méditerranée
Et t'apportent mon amour

Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue

O
Madeleine
Je t'aime avec délices

Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches
Si je pense à ta bouche les roses m'apparaissent
Si je songe à tes seins le
Paraclet descend
O double colombe de ta poitrine
Et vient délier ma langue de poète
Pour te redire
Je t'aime
Ton visage est un bouquet de fleurs
Aujourd'hui je te vois non
Panthère
Mais
Toutefleur
Et je te respire ô ma
Toutefleur
Tous les lys montent en toi comme des cantiques d'amour

et d'allégresse
Et ces chants qui s'envolent vers toi
M'emportent à ton côté
Dans ton bel
Orient où les lys
Se changent en palmiers qui de leurs belles mains
Me font signe de venir
La fusée s'épanouit fleur nocturne

Quand il fait noir
Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses
De larmes heureuses que la joie fait couler
Et je t'aime comme tu m'aimes
Madeleine



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top