Se lever dans la joie quand l’aube vient de naître,
Humer le café fort qui fume dans le bol,
Traînasser, les pieds nus, sur la fraîcheur du sol
Et ouvrir en grand les battants de la fenêtre…
De mon balcon, je vois, les yeux émerveillés,
Quoiqu’un peu fatigués, un ballet, une danse
Des passants se croisant avec tant de prudence
Que je les subodore à peine réveillés,
La file des autos, des vélos, des motos,
Des camions – nom de nom – à la panse ventrue,
Massifs et imposants, larges comme la rue,
Des tatoués menés par aux gros biscotos.
Et, dans la cuisine, j’entends chanter un air
Que je connais : Ah, oui, c’est l’ami Marc Lavoine
Et ses yeux revolver : Marie verse l’avoine,
Céréale idéale, en mode écolo-vert.
« Ma fille, dépêche-toi, tu vas rater l’heure… »
Souriante, elle chante en disant : « n’aie pas peur :
Hier soir, j’ai appris mes deux leçons par cœur ;
C’est cool, Raoul, mon cœur est à ma professeure. »
A la fenêtre je me remets et regarde
Le monde et sa clameur qui montent jusqu’à moi ;
De mon toit sur un fil courant à l’autre toit
Un oiseau jaune et gris semble monter la garde.
Marie ferme la porte et, v’lan, le vent la claque.
Floriane entre à demi-endormie et me dit :
« Es-tu sûr que j’ai cours ce jour de mercredi
Papou, papou… moi de l’école, j’ai ma claque. »
Je souris car j’enseigne une très belle langue
Et passe mon temps à user mes pantalons
Sur une chaise en bois qui me colle aux talons
Devant des garnements ignorant Jacques Langue.
Me voilà seul et je partirai au bahut
Avec une d’humeur grosse dose joyeuse
Dans l’espoir de trouver ma classe studieuse
Une fois éprouvé le rite du chahut.
C’est la fête, aujourd’hui, mon cœur est en émoi ;
Le ciel bleu marie le toit rouge jusqu’au faîte ;
J’aime rire de moi et chantant à tue-tête,
Est si bête mon air que j’arrête et suis coi !