Ce matin juillet prend une année de vacances
Et passe le flambeau à son jumeau frère août
Dont l’infernalité terrorise le roux,
Le fragile souffrant de ses inconséquences
Le nez collé sur un carreau de ma fenêtre,
Je l’observe avec soin exercer son pouvoir
En séchant la rosée sans même s’émouvoir
Du grand déchirement que son acte fait naître
Les perles accrochées aux toiles d’araignées
Ont été dérobées et la mare aux têtards
Etait encore pleine hier au soir très tard
De trois demoiselles qui s’y étaient baignées
Scrupuleusement août remplit son ministère
En nettoyant le ciel de ses impuretés
Ces traînées de fil blanc nuisant au pur été
Dont exerce l’astre solaire un magistère
La buse vole haut la limace se traîne
Ainsi que l’escargot sur le chemin terreux
Cabossé caillouteux herbeux poussiéreux
Flanqué du sureau-roi de la fougère-reine
Tiens voici Antoine qui court et qui agite
Une couleuvre qui s'entortille en ses mains
Le souffle court et fier comme l’est un gamin
Qui a pu débusquer le serpent dans son gîte
Sur le mur blanc de pierre un petit lézard gris
Est immobilisé puisqu’il vit un moustique
Pris dans un interstice un repas fantastique
Et file vif éclair sur l’insecte surpris
La mûre est noire dans le roncier en bataille
La framboise carmin exhale son parfum
Il est tôt et déjà j’ai un creux une faim
Entrés dans l’estomac par une large entaille
Douze heures ont sonné la nature est figée
Je tire le rideau et ferme le volet
C’est comme si soudain le plein jour s’envolait
Pour laisser pénétrer une nuit obligée
Ah l’août le méchant loup salivant sur les cous
Est sorti oui mais d’où d’un bois d’un endroit sombre
Déshydraté je bois en cherchant un coin d’ombre
A sa chaude santé un grand verre d’un coup
Je n’ai plus envie de me sustenter je songe
A m’allonger sous l’air frais du ventilateur
Ou à m’enfermer dans le grand congélateur
Près des crèmes glacées cette pensée me ronge...
Vivement le quinze de la sainte Marie
Le temps se rafraîchit les pruneaux sont cueillis
Sous les mirabelliers je serai accueilli
Par les fruits blonds mûris vers la mare tarie
Je rêve pour l’heure le monstre incendiaire
Entouré de chaleur fonce à toute vapeur
Et ma torpeur mue vers une indicible peur
Prisonnière d’une gigantesque chaudière
Et le sommeil m’appuie la tête sur la table
Quand il est dérangé par une mouche à miel
Vibrionnant autour de ma couche et le ciel
Adoube sans broncher cet insecte indomptable
Comme n’est pas doux ce mois d’août insupportable.