Poèmes

Air de la solitude

par Gustave Roud

Gustave Roud

Je pose un pas toujours plus lent dans le sentier des signes
qu'un seul froissement de feuilles effarouche. J'apprivoise
les plus furtives présences. Je ne parle plus, je n'interroge plus,
j'écoute. Qui connaît sa vraie voix ? Si pure jaillisse-t-elle,
un arrière-écho de sang sourdement la charge de menace.
C'est l'homme de silence que les bêtes séparent seul de la peur.
Hier une douce biche blessée a pris refuge tout près de moi,
si calme que les chiens des bourreaux hurlaient en vain loin
de ses traces perdues. Les oiseaux du matin tissent et trouent
à coups de bec une mince toile de musique. Un roitelet me
suit de branche en branche à hauteur d'épaule. J'avance dans
la paix. Qu'importe si la prison du temps sur moi s'est refermée ?
Je sais que tu ne m'appelleras plus. Mais tu as choisis tes messagers.
L'oiseau perdu, la plus tremblante étoile, le papillon des âmes,
neige et nuit, qui essaime aux vieux saules, tout m'est présence,
appel; tout signifie. Ces heures qui se fanent une à une derrière
moi comme les bouquets jetés par les enfants dans la poussière,
je sais qu'elles fleurissent ensemble au jardin sans limites où tu
te penches pour toujours. La houle des saisons confondues y
verse à tes pieds comme une vague le froment, la rose, la neige
pure. Un Jour fait de mille jours se colore et chatoie au seul
battement de ta mémoire. Tu sais enfin.

L'ineffable. Et pourtant, l'âme sans défense ouverte au plus
faible cri, j'attends encore.



Poème publié et mis à jour le: 16 April 2021

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