Tu me disais : Ma femme est belle comme l’aube
Qui monte sur la mer du côté de Capri
Tu me disais : Ma femme est douce comme l’eau
Qui poudre aux yeux mi-clos de la biche dormante
Tu me disais : Ma femme est fraîche comme l’herbe
Qu’on mâche sous les étoiles au premier rendez-vous
Tu me disais : Ma femme est simple comme celle
Qui perdant sa pantoufle y gagna son bonheur
Tu me disais : Ma femme est bonne comme l’aile
Que Musset glorifia dans sa nuit du printemps
Tu me disais aussi : Ma femme est plus étrange
Que la vierge qui fuit derrière sa blancheur
Et ne livre à l’époux qu’un fantôme adorable
Tu me disais encore : Je voudrais lui écrire
Qu’il n’est pas un aurore où je n’ai salué
Son image tremblant dans le creux de mes mains
Tu me disais encore : Je voudrais la chanter
Avec des mots volés dans le cœur des poètes
Qui sont morts en taisant la merveille entendue
Tu me disais encore : Je voudrais revenir
Près d’elle à l’improviste une nuit où le songe
Peut-être insinuerait que je ne serais plus
Tu es mort camarade
Atrocement dans les supplices
Ta bouche souriant au fabuleux amour
(Buchenwald, 15-17 mai 1945)
Poème publié et mis à jour le: 28 April 2025