Sur un petit lutrin de table, un livre déposé. Dans la langueur du réveil, je l'observe sans l'ouvrir ... heureux qu'il soit là avec ses verbes, ses sujets, ses compléments. Dès que je le touche des yeux, il ronronne comme un gros matou charmeur. Il voudrait me séduire ce beau phraseur. Je caresse sa couverture, je hume le papier.
Impatient, il me griffe d'un titre " Hauteurs de Macchu-Picchu " Encore ? Dis-je en ouvrant au hasard. " Je regarde ... la trace de l'eau dans le creux sonore ... Des semaines, des mois d'air, mille années d'air, de vent bleu, ..." Un lointain feulement descendu du Tibet attire mon attention, " cet hymne mouvant, ce don farouche, ... chemine au plus haut des cieux astrés. ... "
Néruda et Segalen entament un étonnant dialogue ... et moi, " suant mon encre " je suis malade de cette fièvre des hauts plateaux. Je mâche la coca en buvant du thé rance.
Sur un petit lutrin
par Marcel Faure