Poèmes

Sic Vita

par Henry David Thoreau

Je suis une gerbe de vains efforts
Noués au petit bonheur la chance,
Balançant de ci de là
Dont les liens se sont défaits,
Selon moi,
Pour un climat plus doux.

Une botte de violettes sans racines,
Mélangée à de l’oseille,
Ceinte par un brin de paille
Jadis entortillé sur leurs pousses,
Telle est
La loi qui m’attache.

Ce bouquet que le Temps a cueilli
Dans ces beaux Champs élyséens,
Avec de l’herbe et des tiges cassées, en hâte,
C’est la foule bruyante
Qui gaspille
La journée qu’il octroie.

Et je fleuris ici une petite heure, sans être vu,
En puisant dans ma sève,
Sans racine en terre
Pour que mes branches restent vertes,
Mais je me trouve
Dans ce simple récipient.

On a laissé quelques bourgeons sur la tige
Pour singer la vie,
Mais mes enfants ne connaîtront pas,
Avant que le Temps les ait flétris,
Cet ennemi
Dont ils sont pleins.

Je vois désormais que je n’ai pas été cueilli pour rien,
Et mis dans le vase de verre
De la vie tant que je puis survivre,
Avant d’être transporté par une main bienveillante,
Vivante,
En terre étrangère.

Cette souche ainsi dispersée rachètera ses heures.
Et au terme d’une autre année,
Comme Dieu le sait, à l’air libre,
Donnera plus de fruits et
De jolies fleurs,
Pendant que je me fane ici.

Extrait de: 
2012, Sept jours sur le fleuve - traduit de l’anglais par Thierry Gillyboeuf, (Fayard)



Poème publié et mis à jour le: 11 December 2019

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top