Depuis soixante ans que je vis
Dans ce grand miracle des choses,
Que d’images y sout écloses
Devant mes yeux inassouvis !
Fleurs de rêve aussitôt cueillies.
Que, sous mon front, le souvenir
Se délecte d’entretenir
Ou persistantes ou pâlies :
C’est un pêle-mêle où les morts
Sous les pieds des vivants s’entassent
En des décors changeants qui passent,
Teintés de joie ou de remords,
Un défilé d’anciens visages,
Beaux ou laids, fixes ou furtifs,
Parmi des monuments pensifs
Et d’adorables paysages,
Chaos d’éclairs qui roule et luit
Dans ma cervelle illuminée,
Aussi profond que la traînée
Des astres à travers la nuit !
Étrange et superbe mystère
Qui, dans le coin d’un os grossier,
Agite l’univers entier :
Quelle ivresse, ô roi de la Terre !
Mystère étrange, horrible sort
Qui, demain, en une seconde.
Va dissoudre ce petit monde :
Quelle pitié, fils de la Mort !
Poème publié et mis à jour le: 18 June 2021