Poèmes

L'ordre des mots

par Guy Hugues BELLEM

L'ordre des mots

Présents autour de moi, je les sens chaque jour ;
Parfois dès le matin l'un d'eux me vient en tête ;
Il s'installe au repos comme attendant son tour
Et surveille ma main, qui n'est pas toujours prête
À le remercier, ce mot parmi les mots
Qui bourdonnent en moi comme une ruche pleine
Quand ils veulent sortir au bout de mon stylo
Ainsi que des abeilles autour de leur reine.

Les mots, étrangement, sont des caméléons :
Dès qu'ils me voient sortir un carnet, une feuille,
Ils viennent se percher comme font les pigeons
Sur mes épaules, jusqu'à ce que je les veuille ;
Ils attendent le train, dont ils sont les wagons,
Qui les accrochera pour construire une phrase
Et s'il s'agit d'un ver fait en alexandrin
Ils sont au Nirvana ! Ils explosent ! Ils s'embrasent !
Je ne les retiens plus ; ils jaillissent sans fin ;
J'en ai vu accourir avec une majuscule
Pressé de s'insérer dans le texte, haletant ;
Il fait du gymkhana, il raye il bouscule
Et moi je l'observe faire, j'ai tout mon temps.

Je sens que des mots veulent prendre la parole
Tandis que j'en vois d'autres plutôt assoupis ;
Or le poète, c'est moi ! À chacun son rôle !
Mais si le ver me sied je le garde, tant pis.
Chaque bon mot se place, atterrit sur la page
Comme si mon cerveau l'attrapait en plein vol
Tandis que d'autres mots, aux épaules, bien sages,
Font entendre leur voix de muet rossignol
Pour que je n'oublie pas qu'ils sont dans l'impatience
À servir de sujet, de verbe ou d'adjectif.

Il en est un plus fier, imposant sa présence,
Qui vient toujours du coeur et me rend créatif :
De long en large il traverse chaque poème ;
Même si je ne l'écris pas on le sent là :
Il attire les mots tel un aimant suprême
Hors de tout paragraphe et tout alinéa.

J'ai plongé en apnée dans l'océan des mots
Pour y pêcher ces vers que j'amène en surface.
Je les avais rangés, ils étaient au repos
Et je les retire pour toi de ma besace
Pour t'offrir leur bouquet lorsque tu te réveilles ;
Je les ai écoutés, puis longuement chéris
Car ils m'ont susurré, ensemble, à mes oreilles :
"Écris, pour dire à Marie que tu l'aimes, écris !"

J'ai entendu les mots parler de ton visage
De ta bouche attirante et de tes yeux profonds,
Me parler de ton corps excitant la plus sage
De mes idées qui s'affole et qui tourne en rond
Jusques à bander tous mes muscles endormis.
J'ai trié les mots pour commettre ce poème,
Je les ai maîtrisés rien que pour toi Marie
Et grâce à eux, ce matin j'écris que je t'aime.

Extrait de: 
Oaristys à Marie

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