La Nouvelle-France et ses Champlain,
Laviolette et Maisonneuve
Le Québec et ses Leclerc,
Vigneault et Miron
Je ferai de toi
Un capitaine ou un matelot
Tu ne seras plus ce riverain aux yeux béats
Regardant calmement rouler les moutons sur l’océan
Les gens de mon pays
Sont las d’êtres de pauvres locataires
Dans ce semblant de pays
Les gens de mon pays
Rêvent d’être de riches propriétaires
Dans des demeures qui seraient les leurs
Un chez-soi bien à eux
Un havre de paix à leur goût et à leur image
Est-ce la faute à Frontenac ou à Montcalm
Si nous nous contentons
De regarder,
De travailler
Et d’obéir sagement ?
Est-ce la faute à Wolfe ou à Durham
Si nous nous glorifions
De pleurer,
D’imiter
Et de gémir discrètement ?
Que sont-ils devenus
Ces Riel et ces Chénier
Horrifiés face à nos inepties et lâchetés ?
Que sont-ils devenus
Ces Papineau et ces Bourgault
Guerriers et francs-tireurs du verbe ?
Que sont-ils devenus
Nos ancêtres les Patriotes
Avec leur rage de vivre et leurs Fils de la Liberté ?
Que deviennent notre belle devise :
« JE ME SOUVIENS »
Et notre drapeau fleurdelisé ?
Gens de mon pays
Est-ce possible que dans nos veines et artères
S’est infiltré le venin du fol oubli ?
Les gens de mon pays
N’ont pas totalement perdu souvenance
Car dans nos longues nuits d’hiver
Ces rêves reviennent errer en songes
Comme des revenants et fantômes fugaces
Et peut-être qu’un beau matin
Nous nous réveillerons à temps
Et nous nous embarquerons tous
Sur le Vaisseau d’Or de la Liberté
Avant de sombrer à tout jamais
Dans le brouillard du fol oubli et de la molle indifférence
Avant de vendre notre âme pour une poignée de dollars
Avant de céder tout notre territoire pour quelques billets verts
Avant de larguer notre patrimoine pour quelques sous
À notre gigantesque voisin américain
À notre puissant géant yankee à panse gargantuesque
Les gens de mon pays
Rêvent-ils encore d’un chez-soi bien à eux
D’un havre de paix à leur goût et à leur image ?
Alors et alors seulement
Nous les verrons s’embarquer
Sur ce splendide Vaisseau d’Or de la Liberté
Et se diriger tête haute empoignant fièrement le gouvernail
Vers le port sur des eaux qui nous appartiendront
Encore…