Poèmes

Les Ecluses

par Ronan Huon

Les grandes écluses sont rompues !
Les eaux jaunes entraînent les limons du fond des rivières,
les joncs et les roseaux des prés naguère somnolents où
les troupeaux paisibles, la bave aux lèvres, venaient boire,
Les libellules n’irons plus tournoyer autour d’eux, ni se
reposer sur les tiges,
Les eaux sont agitées et l’araignée agile, fragile n’y fait
plus de glissades par les chaudes après-midi
Elles ont perdues leurs amoureux nonchalants
C’est le vent qui parle, accourez !
Les eaux ont grossi,
Et en bouillonnant, elles ont rompu les écluses séculaires
de leur prison.
Les blés poussent plus beaux.
Dans les arbres les bourgeons éclatent une seconde fois.
Un océan de champs jaunes s’étale, étouffant l’ivraie et
les maubaises herbes.
Les écluses sont rompues.
Et voilà que tout à coup se tait à mon oreille le grondement des
eaux !
Voilà que les champs cessent tout à coup de déferler à mes yeux.
Serait-ce que les bourgeons naissants ne frémissent plus ?
Les grandes écluses sont rompues.
Non ! Les écluses séculaires sont toujours là noyées dans leur
pousssière d’écume.
C’était un rêve.
Et les libellules font toujours la cour aux joncs.
Non, hélas, c’était un rêve, les écluses ne sont pas rompues.
Il n’y a pas de vent, le ciel est calme, le roseau ne bouge pas,
Les hommes dorment, comme avant, comme avant, hélas !

Extrait de: 
1971, Défense de cracher par terre et de parler breton: poèmes de combat, 1950-1970



Poème publié et mis à jour le: 24 June 2019

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