Poèmes

Les Cygnes Blancs...

par Georges Rodenbach

Georges Rodenbach

Les cygnes blancs, dans les canaux des villes mortes,
Parmi l'eau pâle où les vieux murs sont décalqués
Avec des noirs usés d'estampes et d'eaux-fortes,
Les cygnes vont comme du songe entre les quais.
Et le soir, sur les eaux doucement remuées,
Ces cygnes imprévus, venant on ne sait d'où,
Dans un chemin lacté d'astres et de nuées
Mangent des fleurs de lune en allongeant le cou.
Or ces cygnes, ce sont des âmes de naguères
Qui n'ont vécu qu'à peine et renaîtront plus tard,
Poètes s'apprenant aux silences de l'art,
Qui s'épurent encore en ces blancs sanctuaires,
Poètes décédés enfants, sans avoir pu
Fleurir avec des pleurs une gloire et des nimbes,
Ames qui reprendront leur oeuvre interrompu
Et demeurent dans ces canaux comme en des limbes !
Mais les cygnes royaux sentant la mort venir
Se mettront à chanter parmi ces eaux plaintives



Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012

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