(extraits)
un mot cherche mon cœur moi autour de lui
je cherche comment s'accroche à son présent
un peu de cette chose qui flotte ici
partout dévastation ruines et cependant
que sa belle image est mordue par le temps
saint
Jean trempe sa plume dans la lumière
d'un geste égal mais le jet lumineux vise
on ne sait quelle partie du corps voici
des mouches elles vont butiner sa poussière
puis s'envolent vers le cul-de-four où
Dieu
a tellement noirci qu'il est négatif
l'aigle et
Jean même auréole et plus qu'une aile
au lion de
Marc l'œil un petit lac de larmes
Luc le visage mangé par le moisi
est devenu un nègre à la barbe blanche
plus de
Mathieu juste un trou dans le mortier
et quelques os de brique rose un frelon
tire mon regard vers là-haut la coupole
au premier cercle les restes d'une épaule
dans le second huit anges chacun six ailes
deux vers le bas deux vers le haut deux ouvertes
le tout d'une sensualité extrême
chaque ange paraissant par deux fois pourvu de la zone bien fendue que les humaines n'ont qu'une fois et l'amour serait à faire dans un embrassement du haut et du bas circulaire et sans
fin une roue toujours en mouvement le même frelon descend vers la coulée de fiente fraîche mon œil enflammé pourtant n'ose pas s'en servir mais je confonds
peut-être fiente et fiel et me voilà au milieu d'aujourd'hui le regard soudain cassé par le soleil le vide et la peur de l'escalier pourri les yeux tâtent l'air sur leur
gauche et surgit la brusque surprise
le
Blanc le
Blanc le
Blanc pousse au fond du ciel son érection de craie et par-dessus vie mort et réalité plante un formidable non à leurs raisons
aucun corps là-haut chez les anges à six ailes leur sensualité s'accroît de ce rien mais s'envoyer en l'air pour une auréole n'est-il pas de bonne guerre virtuelle moi
qui tous ces jours-ci n'ai pas plus de sexe qu'un petit
Jésus j'écoute au loin des mots grecs bulles de son pareilles à ces mystères qui roulent dans l'espace et font dans l'oreille des pets il y a davantage de mouches qu'hier
mais les pigeons n'ont rien ajouté je suis venu voir le
Blanc
il est coiffé d'une pyramide laiteuse le seul nuage en vue dans tout le ciel coton qui couvre ainsi la violence de la durée
l'image et le mot sont-ils liés ou bien l'un toujours après l'autre pour que le voir ou le dire l'emporte chacun son tour ce que les yeux ont vu là-bas être vu ne lui suffit
pas cela s'érige et rôde et rue contre le mouvement du poème mais qu'est-ce qu'un élan minéral et blanc un silence vertical un temps de pierre
l'arracher de mes yeux en faire autre chose
me disais je en montant l'escalier de marbre
qui donne sur le vide ensuite je marche
sur la crête d'un mur puis sur de vieilles planches
rongées par la pluie le soleil cette fois
je sais où il se trouve et il est bien là
mais tout gris dans la buée bleue le bois craque
sous mon poids ou le torrent de lumière
assis dans la fraîcheur en ruine je vois
la plume de
Jean prendre l'air comme fait
la langue pas la mienne qui tourne en vain
un bout de souffle et n'en tire pas de forme
un bout de plâtre tombe de la coupole
et crée de la poussière avec ce qui fut
une feuille à ma main semblable et pourquoi
suisje troublé par l'intacte l'implacable
jeunesse des quatre colonnes de marbre
leur peau si transparente dans le soleil
leur galbe insolent de sirènes de pierre
très ordinaire un pic ce matin flanqué d'une double pente qui sert d'horizon un saint décoloré dans sa niche et moi regardons le ciel un peu de vent souligne le silence
à gauche un bâtiment ruiné le feu a cuit les pierres tordu le fer la cendre qu'on voit serait celle des livres
les mots se passeraient bien des choses comme les doigts des morts n'ont pas besoin d'être utiles le tonnerre au loin remue un tas de caisses vides les quatre ifs de la fontaine indiquent
la direction de l'immobile la terre tourne sans faire crier l'air juste un rond remous bleu dans l'épaisseur d'on ne sait quoi
l'apprenti théologien m'a découvert
caves et sous-sol des centaines de mètres
croisé des tonneaux grands comme des cabanes
vu la machine énorme qui fut moulin
poutres brûlées pendant à des roues de fer
à des tiges tordues des palans brisés
tout cela sous la bibliothèque incendiée
marché dans les couloirs où passa le feu
de vrais fours aux murs rouge et blanc bris de brique
où chaque pas bat briquet sur les éclats
plus de flammes la peau des pierres est en cendres
grande pièce meublée de tas de gravats
une autre de tas de ferrailles pics pioches
marteaux leviers une autre de mystérieux
tambours à manivelle et piles de plats
une autre de centaines de pieds en bois
autrefois je cassais dit l'étudiant
en arrêt devant une boule de verre
moi je ramasse des objets et les classe
d'un côté flacons bocaux encriers bouteilles
bonbonnes la plupart en verre soufflé
de l'autre outils de bois tabourets bancs râpes
à laver le linge et cela qu'en
Aubrac .--_
on appelait « maluque » et qui est massif
marteau de bois le père
Paul réunit
toutes les icônes et toutes les images
portraits du tsar de la tsarine chromos
lithographies de
Moscou et de
Paris
d'Istanbul de
Saint-Pétersbourg de
Londres
une ville en flammes est posée là-dessus
et c'est à ma surprise non pas
Moscou
se suicidant pour chasser
Napoléon
mais la fameuse gravure en noir et rouge
où l'on voit flamber dans
Paris la vengeance
qu'aux monuments boutèrent les pétroleuses
qui diable apporta jusqu'ici cette image
un des crânes de l'ostéophylakion
a-t-il contenu la pensée communarde
dans le ciel buée blanche au levant buée rose au couchant
Vénus marque le plus haut la bouche d'ombre a mangé saint
Jean et moi
chassé par le noir de la chapelle grecque je suis seul sur la passerelle de planches j'attends la fin et l'autre commencement le
Blanc est gris un fantôme ourlé d'écume grand silence partout puis un grillon gratte sa crécelle pas de pensée la présence du présent tout à coup un
roulis d'averse dans la proche montagne un torrent d'air qui n'est plus qu'un souille en arrivant ici trois étoiles pointent je leur prête des noms elles sont en fait le timon du
chariot une lueur grandit derrière l'église mon visage attend son flot avec ferveur ô qu'il baigne dans mes yeux la vie passante et que cette lune soit la renversante qui fera
venir le corps au bout du nom mille étoiles à présent et le bleu noircit on dirait que le plus profond fait surface et met sur elle ce qu'il gardait dessous la lune est
cachée derrière une coupole la corniche en fait rejaillir la lumière comme fait une pierre sous un jet d'eau l'aplat des planches est un velours de chaleur je m'allonge dessus la
nuque posée sur un morceau de marbre et vient le sommeil quand la pleine lune perce mes paupières elle est au milieu du ciel et c'est un point une roue d'or un œil au sommet
du
Blanc mais qui lune ou roc fait jaillir l'aura blanche
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017