Voir le nombril d'la femm' d'un flic
N'est certain'ment pas un spectacle
Qui du point d' vue de l'esthétiqu'
Puiss' vous élever au pinacle.
Il y eut pourtant dans 1' vieux
Paris
Un honnête homme sans malice
Rêvant d' contempler le nombril
D'la femm d'un agent de police.
«
Je me fais vieux, gémissait-il
Et durant le cours de ma vie,
J'ai vu bon nombre de nombrils
De toutes les catégories,
Nombrils d' femm' de croqu'mort, nombrils
D' femm' de bougnats, d' femm' de jocrisses,
Mais je n'ai jamais vu celui
D'la femm' d'un agent de police.
Mon père a vu comm' je vous vois
Des nombrils de femm' de gendarmes,
Mon frère a goûté plus d'un' fois
D' ceux des femm's d'embourgeois les charmes,
Mon fils vit l' nombril d'la souris
D'un ministre de la
Justice
Et moi j' n'ai mêm' pas vu 1' nombril
D' la femm' d'un agent de police.
Mon
Dieu le temps va comme un fou
De mes jours est tissée la trame,
Avant de me prendre avec vous
Mon
Dieu penchez-vous sur ce drame
Avant d'aller au paradis
J'aimerais passer mon caprice
Voir, fût-ce à moitié le nombril
D' la femm' d'un agent de police. »
Ainsi gémissait en public
Cet honnête homme vénérable
Quand la légitime d'un flic
Tendant son nombril secourable
Lui dit : «
Je m'en vais mettre fin
A votre pénible supplice
Vous fair' voir le nombril enfin
D'la femm' d'un agent de police. »
Alléluia, fit le bon vieux
De mes tourments voici la trêve !
Grâces soient rendues au bon
Dieu
Je vais réaliser mon rêve ! »
Il s'engagea tout attendri
Sous les jupons d' sa bienfaitrice
Braquer ses yeux sur le nombril
D'la femm' d'un agent de police.
Mais hélas, il était rompu
Par les effets de sa hantise,
Et comme il atteignait le but
De cinquante ans de convoitise,
La mort, la mort, la mort le prii
Sur l'abdomen de sa complice,
Il n'a jamais vu le nombril
D'la femm' d'un agent de police
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012