Analyse du Poème
Ce poème commençe par un trou vert et se termine par deux trous rouges dans la poitrine du soldat endormi. «Un trou de verdure» est censé être un indicateur instantané de quelque chose d'une nature d'une rare beauté. La rivière chante dans le trou vert. Ce sont des images plutôt paisibles, mais pourquoi chanter? Ceci est censé invoquer l'image d'une rivière traversant les prairies avec les herbes plongeant dans la rivière et l'eau les entraînant lorsqu'elles se précipitent. Encore une fois, c'est une belle image, quoique plutôt violente et... désespérée. Cela génère un peu d'urgence dans une scène autrement pastorale. Le phrasé est simple, mais gardez à l'esprit que rien d'un poète symboliste n'est fait par hasard.
Les images de la nature dans ce poème semblent trés distinctes. Dans le premier verset en particulier, par exemple, le fleuve et la montagne ont des qualités humaines; la rivière est "follement" accrochée à l'herbe et la montagne est "fière". Ces descriptions évoquent l’idée d’une nation fière (la montagne) et des jeunes soldats de cette nation (le fleuve) accrochés follement à l’herbe, de la même façon que les jeunes soldats engagés dans la guerre s’accrochent follement à leur vie pour survivre à la guerre qui leur est imposée par les politiciens.
Le deuxième quatrain présente un soldat. Voici où un certain contexte historique est nécessaire. Rimbaud a écrit ce poème à l'âge de 16 ans, en 1870. L'année 1870 est désignée par «la Guerre de 70» en France et la Guerre Franco-Prussienne dans le reste du monde. Les Prussiens assiègent Paris et durant ce temps-là des soldats français ont tué des civils français. C'était brutal et sanglant et non seulement par les pertes en vies humaines, mais aussi par la façon dont ces vies ont été perdues qui était horrible. Tout cela est résumé dans un mot "soldat". Lorsqu'il écrivit cette pièce, il arrivait à Rimbaud de s'enfuir souvent en direction de la maison durant cette guerre. Il est donc possible que la scène décrite dans ce poème soit une scène réelle.
Le soldat est jeune, sa bouche est ouverte et sa tête est nue. La bouche ouverte est alternativement détendue et terrifiante. Cela résonne avec le trou vert qui a commencé le poème. Le soldat est peut être ivre et ronfle. La bouche ouverte est une image très multiforme et résonnante. La tête nue est également détendue mais il n'y a aucune mention à un chapeau ou à un casque. Le soldat est en uniforme. Peut-être juste ivre après une fête ou une soirée. On s’attendrait cependant à ce que la plupart des personnes dormant mettent leur chapeau sur leurs yeux pour se protéger du soleil, alors que le soleil est aussi présent.
Ce poème a été écrit d'une façon si singulière et originale que nous pouvons presque croire que le soldat dort vraiment et ce n'est qu'à la fin du poème, quand nous apprenons qu'il a «deux trous rouges» dans le flanc que l'idée du soldat mort nous est transmise. La description du soldat à la dernière phrase est si paisible: la vallée est "couverte de rayons de soleil", il "dort" avec la tête dans le "frais cresson bleu", dans un lit vert. L'image de la lumière qui pleut sur lui évoque une image de la nature en deuil du défunt. Car c'est certainement un jeune garçon dont l'innocence du soldat est clairement mise en évidence dans ce poème, qui sourit alors qu'un enfant malade sourirait et avec sa main sur sa poitrine. En outre, la mention de ses pieds parmi les drapeaux, apporte avec elle l'idée du patriotisme et du sacrifice.
L’image des deux trous rouges du côté droit du soldat rappelle aussi les blessures de Christ sur la croix. Rimbaud n'a pas eu à dire que le soldat avait deux balles dans le côté; il aurait facilement pu dire un ou trois… mais il a juste cité deux trous qui rappellent les blessures du Christ quand il était crucifié. Et cette image renforce celle d'une victime innocente, sacrifiée pour la fierté d'une nation (cette montagne fière.)
Texte du Poème
C’est un trou de verdure, où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit: c’est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement: il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Poème publié et mis à jour le: 15 November 2019