C'est moi
Seigneur
J'ai les bras étendus
Comme quelqu'un qui ne croît pas
Qui ne croît guère
Comme quelqu'un qui n'était pas fait pour la croix
C'est moi
Seigneur qui ne sais aucune prière
Moi qui ai dû tomber pour me mettre à genoux
C'est moi
Seigneur
Haletant sous cette misère
Ce grand poids de misère utile
Utile
Inutile
Je ne sais pas
Un grand vent sur la place vide
La place où nous dansions l'été
C'était une place nommée
Place de la
Raison
Nous y dansions le cœur léger
Car la raison elle-même est légère
La danse d'aujourd'hui est lourde comme notre peine
Mais c'est une danse quand même
La danse d'une étoile dans la nuit
C'est moi
Seigneur
Pourquoi aije parlé ainsi
Je ne vous aime pourtant pas
Je n'ai aucune envie de vous
je suis devant vous comme devant cette femme qui est
morte
Que j'ai aimée par-dessus tout et que pourtant je n'ai
jamais aimée
Je ne vous aime pas
Seigneur
Je viens à vous d'un air
mauvais
Un air mauvais comme l'air de ces mauvais jours
De ces jours de fièvre et de glace
À coups de pioche dans le malheur
Qu'il s'écroule ce désespoir de sable
Et qu'il tombe par blocs aussi gros que nos cœurs
C'est le désespoir
Je ne l'avais jamais regardé en face
J'ignorais ce visage que j'ai aujourd'hui dans la glace
C'est pourtant vrai que je suis prisonnier
C'est pourtant vrai qu'il n'y a rien à faire
C'est pourtant vrai que nous sommes désespérés
Et cette nuit aux yeux ouverts
C'est pourtant vrai
C'est pourtant vrai que nous sommes loin de tout et de
nous-mêmes
Que nous sommes au heu où vous seul vous trouvez
Et nous buvons l'air noir où vous seul pouvez vivre
Seigneur
C'est pourtant vrai.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012