Poèmes

L'Ambition de Certains Courtisans Nouveaux Venus - Satire

par Claude D'esternod

Pour amortir l'orgueil de mille vanités,

Considérons jadis quels nous avons été,

Et, faisant à nature une amende honorable,

Dis, superbe :
J'étais vilain au préalable

Que d'être gentilhomme ; et, puisque de vilain

Je me suis anobli du jour au lendemain,

Du jour au lendemain je peux changer de titre

Et de petit seigneur devenir grand bélître,

Et en siècle d'airain changer le siècle d'or,

Et devenir soudain 'de consule rhetor'*.

J'ai vu des pins fort hauts élever leurs perruques

Par sus le front d'Iris, et tout d'un coup caduques,

Arrangés sur la terre, et ne servir qu'au deuil

D'un cadavre puant pour faire son cercueil ;

J'ai vu de
Pharaon les pompeux exercites

Et contre
Josué les fiers
Amalécites

Gripper, triper, friper ; et après un combat

Je passe derechef, 'et ecce non erat'**.

Sur la flottante mer je voyais un navire

Qui menaçait la terre et les cieux de son ire ;

Mais, tout soudain rompant le cordage et le mât,

Je cherche mon navire, 'et ecce non erat'.

J'ai vu ce que j'ai vu, une rase campagne

Enceinte devenue ainsi qu'une montagne,

Qui pour mille géants n'enfanta qu'un seul rat ;

Où est-il ? je regarde, 'et ecce non erat'.

Bref que n'ai-je pas vu, que ne contemplé-je ores ?

Et avant que mourir que ne verrai-je encores ?

Le monde est un théâtre où sont représentés

Mille diversités de fous et d'éventés.

Ô constante inconstance ! ô légère fortune !

Qui donne à l'un un oeuf, et à l'autre une prune ;

Qui fait d'un charpentier un brave maréchal,

Et qui fait galoper les ânes à cheval ;

Qui fait que les palais deviennent des tavernes,

Qui, sans miracles, fait que vessies sont lanternes ;

Qui fait que d'un vieux gant, les dames de
Paris

Font des godemichés, à défaut de maris ;

Que le sceptre d'un roi se fait d'un mercier l'aune,

Que le blanc devient noir et que le noir est jaune ;

Qui change quelquefois les bonnets d'arlequins

Aux couronnes des grands et les grands en coquins,

Les marottes en sceptre, en tripes les andouilles,

Les chaperons en houppe, en glaives les quenouilles,

Le rôti en bouilli, une fille en garçon,

La loutre en bon castor et la buse en faucon !



Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017

Lettre d'Informations

Abonnez-vous à notre lettre d'information mensuelle pour être tenu au courant de l'actualité de Poemes.co chaque début de mois.

Nous Suivre sur

Retour au Top