Poèmes

La Conque

par Renée Vivien

Renée Vivien

Passant, je me souviens du crépuscule vert
Où glissent lentement les ombres sous-marines,
Où les algues, offrant leur calice entrouvert,
Étreignent de leurs bras fluides les ruines
Des vaisseaux, autrefois pesants d’ivoire et d’or...
Je me souviens du soir où la nacre s’irise,
Où dorment les anneaux, étincelants encor,
Que donnaient à la mer ses époux de Venise...
Passant, je me souviens du curieux travail
Des éternels jardins qui gardent, virginales,
La fleur de nacre fraîche et la fleur de corail,
Dont les profonds remous avivent les pétales,
Rose animale et rouge éclose dans la nuit...
Je me souviens d’avoir bu l’odeur de la brume
Et d’avoir contemplé le sillage qui fuit
En laissant sur les flots une neige d’écume...
Je me souviens d’avoir vu, sur l’azur changeant
Des vagues, refleurir les astres du phosphore.
Mon lit frileux était le doux sable d’argent...
Je me souviens d’avoir frôlé le madrépore
En ses palais... d’avoir vu des lambeaux empreints
De sel, qui furent des bannières déployées...
D’avoir pleuré les yeux et les cheveux éteints
Et les membres meurtris des amantes noyées...
J’ai connu les frissons de leur baiser amer...
Dans mon cœur chante encor la musique illusoire
De l’Océan... Je garde en ma frêle mémoire
Le murmure et l’haleine et l’âme de la mer.



Poème publié et mis à jour le: 20 October 2022

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