Poèmes

Je Suis la Journee

par Pernette du Guillet

Je suis la
Journée,

Vous,
Amy, le
Jour,
Qui m'a destournée
Du fascheux séjour.
D'aymer la
Nuict certes je ne veulx point,
Pource qu'à vice elle vient toute appoint :
Mais à vous toute estre
Certes je veulx bien,
Pource qu'en vostre estre
Ne gist que tout bien.

Là où en ténèbres
On ne peult rien veoir
Que choses funèbres,
Qui font peur avoir,
On peult de nuict encor se resjouyr
De leurs amours faisant amantz jouyr :
Mais la jouyssance
De folle pitié

N'a point de puissance

Sur nostre amytié,

Veu qu'elle est fondée

En prospérité

Sur
Vertu sondée

De toute équité.
La nuict ne peult un meurtre déclarer,
Comme le jour, qui vient à esclairer

Ce que la nuict cache,

Faisant mille maulx,

Et ne veult qu'on sache

Ses tours fins, et caultz '.
La nuict la paresse

Nourrit, qui tant nuit :

Et le jour nous dresse

Au travail, qui duit.
O heureux jour, bien te doit estimer
Celle qu'ainsi as voulu allumer,

Prenant tousjours cure

Réduire à clarté

Ceulx que nuict obscure

Avoit escarté !

Ainsi esclairee

De si heureux jour,

Seray asseuree

De plaisant séjour.



Poème publié et mis à jour le: 15 November 2012

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