Silencieuse horreur des forêts sous la nuit,
Chênes, rochers muets qui vous dressez dans l’ombre,
Bleus abîmes du ciel, gouffre tranquille où luit
Le fourmillement clair des étoiles sans nombre !
J’erre terrifié, les yeux fixés sur vous,
Voulant percer toujours les ombres où nous sommes,
Mais tous vous demeurez, interrogés par nous,
Sans réponse jamais aux questions des hommes !
O fantômes, quelle âme habite en tous vos corps ?
Chênes, notre sang rouge est frère de vos séves ;
Vous qui vous nourrissez des débris de nos morts,
Que vous sert de dormir si vous dormez sans rêves ?
Univers éternel, arbre toujours vivant,
Yggdrasill, frêne énorme aux vibrantes ramures.
Quel esprit est en toi, quel grand souffle et quel vent,
Vient t’émouvoir sans fin, et t’emplir de murmures ?
Étoiles, floraison de cet arbre géant,
Qui ressemblez aux yeux terrestres de la femme,
Fleurs brûlantes du ciel, je songe à ce néant
Où vous vous éteindrez aussi comme mon âme !
J’ai peur, mortel chétif, en cette immensité ;
La ténébreuse horreur de ces bois me pénètre ;
J’ai peur quand, au travers de leur obscurité,
Je vois tout l’infini qui menace mon être !
Pourquoi suis-je donc seul saisi d’un tel émoi,
Seul atome pensant parmi tous les atomes,
Devant ces arbres noirs qui font autour de moi
Ce grand cercle muet d’immobiles fantômes ?
Dans ce monde avec eux pourquoi suis-je venu ?
O visions, avant que la mort ne nous fasse
Pêle-mêle rouler au fond de l’inconnu,
Regardons-nous une heure encore face à face !
Poème publié et mis à jour le: 27 November 2022