Poèmes

Déchaînement

par Hassan Ouezzani

Il aurait mieux valu que le monde ne fût pas

que la race reportât ses ébats à une autre soirée

que le seigneur et maître fût fatigué cette nuit-là

que la terre fût déprimée

que quelque chose se produisît pour que la semence

coupât court à elle-même

la semence dont le descendant

est ce résident de la maison des tourments

celui-là même

auquel le ciel n'a accordé que la tunique du feu

qui dévore maintenant ses membres

celui-là qui tente en vain de radoucir la nostalgie

de l'ombre sienne, que nul verre ne révèle

et nuls brasiers de la parole n'éteignent

En vain affronte-t-il l'envie de l'origine

qu'il a confiée au fleuve

En vain maudit-il les gardiens de la terre

et du ciel qui, précédés par les flammes

ont investi un à un et en groupe l'Acropole

Vieilli.
L'âge que sa joue arbore a alourdi ses pas
Vieilli, il interroge sept cieux et une nuit sourde : passera-t-il une vie de sagesse, la gaspillera-t-il ?
Se l'ôtera-t-il ?

Brûlera-t-il ses noms ou se crèvera-t-il les yeux et deviendra-t-il pour le fleuve un ami ?

Aimable.
Il boit son dernier verre
Pas de patrie où se prémunir contre les avanies et pour seule demeure l'étonnement.
Aimable il soulève haut sa poitrine et crie : Ô mon
Dieu prête-moi une plus longue vie afin que je boive cette coupe jusqu'à la lie

Pieux.
Tantôt il atteste que la sagesse est son viatique et la folie un nuage fatigué tantôt la folie devient sa monture et voilà qu'il égorge la sagesse au seuil de la
taverne désertée

Obstiné. déclare l'ultime guerre à son ombre.
Il ouvre

un autre front pour précipiter la mort

Tl foule le champ de bataille précédé par le battement

des tambours, les foules, les dates de la tragédie

les peuples effondrés et d'autres célébrant leurs réjouissances

les cortèges des morts, les seigneurs de
Rome, leurs croix

les gardiens de la terre, ses dépossédés

Il foule le champ de bataille

L'épuisement se lit dans ses yeux et ses épaules ploient

sous la nuée des outrages entraînés par la course de la vieillesse

Il est ainsi

pieux jusqu'à la servilité

abject jusqu'à la pureté

doux jusqu'à la bassesse.
Mystique à sa manière

Maître du vent et de la pluie.
Commensal du verre et de l'aube
Pensionnaire de l'asile de l'âme.
Martyr de la guerre des langues

Il est ainsi

ayant noué un pacte entre lui et son nom
Entre lui et les vagues il a mis des frontières tissées par les battements du cœur, des tombes habitées par la passion du jeune homme déchaîné
Il est ainsi plus beau que le monde



Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012

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