Il aurait mieux valu que le monde ne fût pas
que la race reportât ses ébats à une autre soirée
que le seigneur et maître fût fatigué cette nuit-là
que la terre fût déprimée
que quelque chose se produisît pour que la semence
coupât court à elle-même
la semence dont le descendant
est ce résident de la maison des tourments
celui-là même
auquel le ciel n'a accordé que la tunique du feu
qui dévore maintenant ses membres
celui-là qui tente en vain de radoucir la nostalgie
de l'ombre sienne, que nul verre ne révèle
et nuls brasiers de la parole n'éteignent
En vain affronte-t-il l'envie de l'origine
qu'il a confiée au fleuve
En vain maudit-il les gardiens de la terre
et du ciel qui, précédés par les flammes
ont investi un à un et en groupe l'Acropole
Vieilli.
L'âge que sa joue arbore a alourdi ses pas
Vieilli, il interroge sept cieux et une nuit sourde : passera-t-il une vie de sagesse, la gaspillera-t-il ?
Se l'ôtera-t-il ?
Brûlera-t-il ses noms ou se crèvera-t-il les yeux et deviendra-t-il pour le fleuve un ami ?
Aimable.
Il boit son dernier verre
Pas de patrie où se prémunir contre les avanies et pour seule demeure l'étonnement.
Aimable il soulève haut sa poitrine et crie : Ô mon
Dieu prête-moi une plus longue vie afin que je boive cette coupe jusqu'à la lie
Pieux.
Tantôt il atteste que la sagesse est son viatique et la folie un nuage fatigué tantôt la folie devient sa monture et voilà qu'il égorge la sagesse au seuil de la
taverne désertée
Obstiné. déclare l'ultime guerre à son ombre.
Il ouvre
un autre front pour précipiter la mort
Tl foule le champ de bataille précédé par le battement
des tambours, les foules, les dates de la tragédie
les peuples effondrés et d'autres célébrant leurs réjouissances
les cortèges des morts, les seigneurs de
Rome, leurs croix
les gardiens de la terre, ses dépossédés
Il foule le champ de bataille
L'épuisement se lit dans ses yeux et ses épaules ploient
sous la nuée des outrages entraînés par la course de la vieillesse
Il est ainsi
pieux jusqu'à la servilité
abject jusqu'à la pureté
doux jusqu'à la bassesse.
Mystique à sa manière
Maître du vent et de la pluie.
Commensal du verre et de l'aube
Pensionnaire de l'asile de l'âme.
Martyr de la guerre des langues
Il est ainsi
ayant noué un pacte entre lui et son nom
Entre lui et les vagues il a mis des frontières tissées par les battements du cœur, des tombes habitées par la passion du jeune homme déchaîné
Il est ainsi plus beau que le monde
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012