Celui qui n'a rien dit
Est mort, le cœur muet,
Lorsque la nuit
Sonnait
Ses douze coups
Au cœur des minuits fous.
—
Serrez-le vite en un linceul de paille,
Les poings noués, et qu'il s'en aille.
Celui qui n'a rien dit
M'a pris mon âme et mon esprit,
Il a sculpté mon crâne
En navet creux, où des chandelles
Font scintiller mes deux prunelles.
—
Nouez-le donc, nouez le mort,
Rageusement, en son linceul de padle.
Celui qui n'a rien dit
Dormait, sous un rameau bénit.
Avec sa femme, en un grand lit,
Quand j'ai frappé comme une bête
Avec une pierre, contre sa tête.
Derrière le mur de son front
Battait mon cerveau noir :
Matin et soir, je l'entendais
Et le voyais qui m'invoquait
D'un rythme lourd comme un hoquet ;
Il se plaignait de tant souffrir
Et d'être là, hors de moi-même, et d'y pourrir
Comme les loques d'une viande
Pendue au clou, au fond d'un trou.
Celui qui n'a rien dit, même des yeux,
Qu'on lui coupe le cœur en deux,
Et qu'il s'en aille
En son linceul de paille.
Que sa femme qui le réclame
Et hurle après son âme,
Ainsi qu'une chienne la nuit,
Se taise ou bien s'en aille aussi
Comme servante ou bien vassale.
Moi je veux être
Le maître
D'une cervelle colossale.
—
Nouez le mort en de la paille
Comme un paquet de ronces ;
Et qu'on piétine et qu'on travaille
La terre où il s'enfonce.
Je suis le fou des longues plaines
Infiniment, que bat le vent
À grands coups d'ailes,
Comme les peines éternelles ;
Le fou qui veut rester debout,
Avec sa tête jusqu'au bout
Des temps futurs, où
Jésus-Christ
Viendra juger l'âme et l'esprit,
Comme il est dit.
Ainsi soit-il.
Poème publié et mis à jour le: 14 November 2012