Pour la nuit Qui parla? dont l'ombre En s'étendant voilait un peu plus de l'étang
Où la voix seule pouvait se perdre — Renaissant au matin dans l'espoir de son chant
D'entre les branches étirées des hêtres Sur le tapis froissé de feuilles mortes
Piétinées par la horde des hommes Qui passèrent, à l'écart des villages
Et se partagèrent là le fruit de leur pillage Puis un à un se dispersèrent. Un seul
Etait resté, qui devait les chanter
(Ces guerres) n'ayant pu vivre un temps
De paix, bien éphémère, qu'en lisière d'une Autre frontière — sur la terre de celle
Qui vivait, naguère, au bord du lac Où lentement les barques
Muettes accostaient, lourdes
De leur récolte de bois vert. Adossé seul
Au tronc d'un arbre il songeait Aux pays depuis lors traversés
Aux champs de blé, et aux déserts
Au massacre des femmes l'hiver qu'on égorgeait
Aux enfants noirs pendus — à ces ventres ouverts D'où ruisselaient des vers — aux cols t
ranchés
Des animaux de trait — à toutes Ces récoltes, ces fermes incendiées
Fumées et brumes dans la mémoire du seul Matin qu'il aurait voulu taire, face
À la terre provisoire devant lui
Mais austère. Car quelque chose aussi
L'illuminait, dont il ne savait plus le nom Ni quel mystère le justifiait
Mais qui sous l'arbre brusquement Donnait sens à son histoire :
Un feu dans le feu d'hier soir L'épée dans sa main sans passé
Un homme encore derrière cet homme Éteignant la cendre au matin —
Pour le repos qui sait, simplement
En lui-même par-delà page et plaine
D'un chanteur, d'un guerrier
Poème publié et mis à jour le: 16 November 2012