Le passage des fougères s'est refermé sur un sommeil de fées qui se devine.
Fours solaires, la rive desséchée et le miroir d’eau vert intense intriguent, incendient nos pas. La terre chauve dénude les tons sable des débuts du monde autour des flots repus, aujourd’hui vaincus. L'étang résiste, s'éternise. Il connaît lois pérennes, rois anciens, caresses des racines qu’il abreuve. A l’autre bout de son règne, une énigme de soifs et quêtes. C’est un picotement de chant éclot, serti entre le cœur de l’été et celui de la forêt : notre grâce est de prolonger à voix basse la fable du parc. De toute sa stature, le château couvre si bien ses arrières. Nos sens élargis le redorent. Chatoiements en Hainaut, chauds en nos ventres. Tandis que l’ancolie vaque au paisible, penche doucement vers la plus belle fin, les lenticules ont déroulé le parchemin de l’étang. Leur marche pesante écrase son poumon, étouffé d’un vert criard ombrant en gerçures. Entre les feuillages d'aulnes, les venelles solaires tentent encore et encore de le percer. Elles exhibent une danse estivale en déshabillés miroitants. Rien n'y fait, la nappe couleur pomme reste éclatante, inviolable. Sous un août si radieux, l’idée de mise à mort nous semble indécente. Après tant d’ivresse, nous nous contenterons de repousser les frontières inquiètes de la ronce, là où, d’une pièce, sombrerait tout le bois. Du paysage, rien ne s’épuise pour qui cesse de chercher. Il nous faut cependant repartir à la source des deux bras de l’étang, les ombres commencent à s’élever. Une dernière fois, l’espace d’un étonnement, début de changement certain, nous y délogeons la libre capture d’un temps à soi. En surface ou en plongée, il semble à présent évident que nous y laisserons un vestige de répit, qu’il soit d’ambre moussue contre la vieille pierre frileuse, d’enveloppe aérienne ou de vertige de canopée. Nous nous savons simples passants, feuilles naufragées sur un bord inespéré de beauté calme pour notre temps conté. Déjà beaucoup. Un haut-lieu immobile a été levé, nous y puiserons comme à une richesse sans retour. Derrière nos talons, déjà, l’étang. Jusqu’au crépuscule, il continuera de mirer le saisissement de nos captations, la compréhension de nos haltes de vie, regards réinventés. Avec l’haleine guillerette de ses oiseaux, la fraîcheur du bois nous rappelle. Nous dévalons la pente tremblante des âmes mouillées.
Attre, l’étang du parc
par Thierry Ries
Extrait de:
Eaux Picardes