Quiconque aime les vers doit aimer la retraite :
Amis, vivons aux champs ; renonçons à
Paris.
Apollon fut berger ; sous de riants abris
Il gardait les troupeaux d'Admète.
C'est à l'ombre des bois, c'est au bord des ruisseaux
Que
Virgile animait le chalumeau champêtre.
Dans le fracas de
Rome, à l'aspect des faisceaux,
Ses vers si touchants et si beaux,
Avec moins d'harmonie auraient coulé peut-être.
Les beaux vers sont sacrés : ils voltigent flottants,
Pareils aux oracles mobiles
Qu'autrefois la main des sibylles .Sur la feuille légère abandonnait aux vents.
Mais il faut les saisir, les enchaîner ensemble ;
Un souffle les disperse : heureux qui les rassemble !
Va, ce n'est pas dans les palais.
C'est dans les bois touffus que le bon
La
Fontaine
Rêvant, dormant peut-être, à l'ombre d'un vieux chêne,
Les rencontrait toujours sans les chercher jamais.
C'est lui qui m'a formé; je lui dois tout peut-être
J'admirais tour à tour sa grâce et sa vigueur ;
Le charme m'entraînait, je n'en étais pas maître ;
Et, sans l'avoir appris, je le savais par cœur.
Oh ! de ces deux pigeons combien la complaisance,
Le tendre attachement, la douceur, la constance,
Me peignaient vivement ton amitié, ta foi !
Ils m'expliquaient ton cœur, et je goûtais d'avance
Tout ce qu'un jour le mien devait sentir pour toi.
Vois-tu ces pins altiers et ces chênes sauvages,
Dont la voûte sur moi balance un large dais ?
Hier, avec plaisir, c'est là que j'entendais
La brusque voix du nord gronder dans leurs feuillages.
Mais tes yeux cherchent-ils de plus doux paysages ?
Descends dans ce vallon, la nature y sourit.
Va, crois-moi, c'est pour nous que
Philomèle chante,
Pour nous que la rose fleurit,
Pour nous que ce berger suit de loin son amante.
Ami, suis-moi ; sous tes pas
Sens-tu fléchir cette mousse
Qui plaît aux pieds délicats,
Et mollement les repousse ?
Vois-tu
Zéphyr, sur ces fleurs,
Voler d'une aile inconstante,
Et de sa robe flottante
Verser les douces odeurs ?
Vois-tu ces eaux fugitives
Baigner ces prés dans leurs cours ;
Et ces fauvettes plaintives
Qui soupirent leurs amours ?
Malheureuse la bergère
Qui les voit, tout le jour, sous le même rameau,
Qui les entend le soir en rentrant au hameau !
Son cœur palpitera d'un trouble involontaire.
«
Couple heureux, couple solitaire, «
Dira-t-elle en rêvant, que votre sort est doux ! «
Dans vos tendres ardeurs heureux qui vous ressemble !
«Votre bonheur est d'être ensemble.
«
Ah ! si j'aime jamais, j'aimerai comme vous. »
Du cœur voilà le vrai langage ;
Voilà comme l'amour parlait au temps passé.
Des villes, des palais, nos vices l'ont chassé :
Ne nous étonnons point qu'il se sauve au village.
Que n'ai-je été berger! c'était là mon destin.
Oh ! comme avec plaisir j'aurais pris, le marin.
Ma panetière'', ma houlette!
Et sans doute tu penses bien
Que je n'eusse jamais oublié ma musette.
J'aurais eu mes moutons, ma
Lisette, mon chien ;
On aurait dit
Ducis, comme on dit
Timarette.
Poème publié et mis à jour le: 12 July 2017